Reality Pro : des concerts en réalité virtuelle, une bonne idée ?
Non.
- Certains supposent que les performances musicales en VR seront un atout du Reality Pro, le casque de réalité mixte Apple
- Mais en réalité, tout porte à croire que rien n’est encore prêt pour y parvenir
- Les modèles des clubs actuels ont encore de beaux jours devant eux
Un dossier publié par nos confrères de chez 9to5Mac suggère qu’il pourrait être judicieux, pour Apple, de proposer des concerts en réalité virtuelle avec son Reality Pro. Ce casque de réalité mixte est attendu pour cette année, avec une présentation en grande pompe au Steve Jobs Theater pas plus tard que le lundi 5 juin.
Parmi les atouts qui pourraient permettre à Apple de rendre cette expérience immersive au possible, 9to5Mac évoque notamment le cas de la fonctionnalité Audio spatial. Celle-ci est disponible aujourd’hui sur les AirPods Pro de deuxième génération et sur le casque sans fil AirPods Max, offrant des musiques avec un son à 360 degrés permettant en théorie à l’auditeur de situer les différents instruments d’une piste dans l’espace lors de l’écoute. Mais en réalité, tout n’est pas si simple.
L’Audio spatial ne sera peut-être pas prêt
En effet, la plupart des testeurs de la fonctionnalité Audio spatial restent, encore aujourd’hui, tout particulièrement perplexes. Et pour cause : la promesse d’Apple, sorte de réalité augmentée musicale, ne semble pas tenue jusqu’ici. La différence entre un titre adapté de la sorte et son original s’avère relativement mince, et n’a clairement rien à voir avec la présence d’un véritable sound system quadriphonique en club ou d’un groupe sur scène. Même Sony et son 360 Reality Audio, dont la proposition de valeur est similaire, ne parvient pas à se démarquer. Notons par ailleurs qu’aujourd’hui, la liste des titres compatibles avec l’Audio spatial est très mince. N’espérez pas y voir une once de musique électronique.
Pour tenter de se justifier, 9to5Mac évoque le cas de ce concert de Coldplay, filmé par NextVR (depuis rachetée par Apple) pour le casque de réalité virtuelle de Samsung. Jugez vous-même avec cette vidéo :
Alors certes, la qualité de l’image à des mille des standards attendus en 2023, mais ce n’est pas la question : le contenu a été tourné lors de la décennie dernière. Par contre, pour nous, la vidéo prouve clairement que la VR n’apporte vraiment rien de neuf au modèle. Les producteurs se défendent en expliquant que le spectateur est plus proche des artistes. Mais un simple écran permet d’obtenir le même résultat, en 2D – ou presque. Et nous filmons déjà les événements musicaux depuis le siècle dernier.
La possibilité de tourner la tête n’y change rien, d’autant plus que le cadre se focalise déjà sur le groupe. D’ailleurs, qui voudrait sérieusement se retrouver entouré de dizaines de visages inconnus (le public) alors que le principe même de cette solution est de pouvoir en profiter confortablement depuis son canapé, en toute tranquillité ? Quant à la supposée profondeur apportée par le système, n’en parlons pas : celle-ci est tout bonnement inexistante. Pour l’avoir testé en conditions réelles, c’est un fait. Autant sortir les lunettes rouges et bleues d’une boîte de Kellogg’s, le format sera le même à peu de choses près.
Rien n’arrêtera le dancefloor
Qui plus est, tout semble ici centralisé justement sur les artistes et leur propre personne. Mais qui vient voir un concert pour observer les pas de danse exagérés du chanteur ? C’est à se demander si ceux-ci ne sont pas d’ailleurs si visibles pour faire oublier la piètre qualité du vocaliste et du rythme. On est bien mieux lotis avec un gros plan sur les mains des musiciens et leurs instruments, faisant la part belle à la technique plutôt qu’au gossip qui déchaîne les magazines people.
Alors, oui, bien évidemment l’arrivée d’une virtualisation efficace et permettent de reproduire un set “comme pour de vrai” serait une aubaine, une avancée majeure et même un sérieux coup de pouce pour le confort des danseurs et la croissance de l’industrie musicale. Mais nous en sommes encore à des kilomètres, et personne ne semble encore être parvenu à réaliser cette prouesse pour le moment. Ce n’est pas une utopie, c’est certain. Mais il faudra encore quelques années avant qu’un acteur sérieux ne se dessine enfin sur le marché. Ce n’est pas pour rien qu’aucune startup du genre n’a vraiment décollé aujourd’hui.
À l’heure où la question de l’usage des téléphones sur le dancefloor fait de plus en plus débat et où ceux-ci sont désormais bannis de nombreuses adresses en dehors de la Ville Grise (Fabric, Guesthouse, L’Autre…), on voit même mal les DJ les plus pointus accepter un jour de se laisser filmer de cette façon. Et leur public encore moins, surtout chez Apple où la promotion du respect de la vie privée fait régulièrement la une.
On ne profite pas à 100% d’une piste à travers un écran, et ce n’est pas près de changer.