Apple investit 100 millions de dollars pour décarboner ses usines en Chine
Entre deux livraisons de conteneurs remplis d’iPhone, Apple s’achète une conscience écologique.

Le nouveau chèque d’Apple en faveur de la transition énergétique chinoise vient d’atterrir sur la table : 720 millions de yuans, soit près de 100 millions de dollars. Un montant qui, rapporté aux 391,04 milliards de dollars de chiffre d’affaires de la marque en 2024 ; selon Statista ; représente environ 0,02 % de ce dernier (voir notre article complet sur les résultats financiers).
Pourtant, c’est un coup de maître que joue là Apple dans sa stratégie asiatique : verdir son image tout en consolidant son ancrage dans un marché devenu aussi vital que volatil.
Objectif 2030 : course contre la montre ou storytelling industriel ?
Les 550 000 mégawattheures annuels que promet d’ajouter cette deuxième phase du China Clean Energy Fund, une initiative d’Apple visant à encourager ses fournisseurs chinois à utiliser des sources d’énergie renouvelables, cachent une autre réalité. L’empreinte écologique colossale des chaînes de production d’Apple. Ce volume énergétique ne représente en réalité qu’une fraction des besoins réels des usines qui assemblent nos précieux appareils.
La première phase avait déjà injecté plus d’un gigawatt de capacité installée dans le réseau chinois, produisant approximativement 2 millions de MWh annuels selon les facteurs de charge standards de l’éolien et du solaire en Chine (généralement entre 20 % et 40 % pour l’éolien, et entre 10 % et 20 % pour le solaire).
Le Rapport d’évolution sur le plan environnemental d’Apple 2023 est particulièrement révélateur sur un point essentiel : « La fabrication des produits Apple représente 65 % de l’empreinte carbone brute de l’entreprise ». Cette donnée officielle, mise en perspective avec l’investissement consenti, questionne l’adéquation entre l’ambition affichée de sa neutralité carbone pour 2030 et les moyens déployés.
Autrement dit, Apple s’attaque bien au bon problème – la fabrication – mais avec des ressources sous-dimensionnées. Comment transformer radicalement 65 % de son empreinte carbone en seulement sept ans avec des investissements représentant moins de 0,03 % de son chiffre d’affaires annuel ?
S’il n’y avait que ça ; la fameuse neutralité carbone repose sur les maillons d’une gigantesque chaîne. Extraction minière (une grosse épine dans le pied d’Apple), production de composants électroniques, assemblage, transport intercontinental, consommation énergétique des appareils et gestion de fin de vie. Chacun de ceux-ci est un vrai obstacle au court terme, qu’une entreprise, même de la taille d’Apple, ne peut se targuer de surmonter facilement.
Tim Cook et l’art de la génuflexion
Pendant que les équipes d’ingénierie environnementale d’Apple planchent sur ces problématiques, Tim Cook est en opération séduction en Chine. Présent actuellement au China Development Forum qui se tient à Pékin, le PDG ne tarit pas d’éloge sur DeepSeek, qu’il qualifie comme une plateforme d’IA « excellente ».
En parallèle, l’entreprise continue à financer le programme Zhihui Gardener, dédié à la formation des enseignants ruraux aux technologies et compétences numériques. Depuis 2020, les dons totaux d’Apple aux œuvres publiques en Chine ont atteint 350 millions de yuans, soit environ 48,5 millions de dollars. Réelle volonté d’éduquer ou une manière comme une autre d’établir son soft-power dans l’Empire du Milieu ?
Une diplomatie très corporate, alors même que les tensions entre Washington et Pékin n’ont jamais été aussi fortes. Apple, dont l’écrasante majorité de la production est basée en Chine, marche sur un fil. Il est clair que la marque tente de préserver son vivier manufacturier chinois tout en répondant aux pressions américaines pour diversifier sa chaîne d’approvisionnement.
On pourrait y voir là un double jeu : prôner l’excellence environnementale mondiale tout en composant avec les réalités géopolitiques d’un marché chinois qui représente simultanément son atelier principal et son deuxième débouché commercial. Difficile de voir autrement cette nouvelle enveloppe chinoise comme un véritable levier climatique plutôt qu’un geste diplomatique en bonne et due forme.
- Apple a annoncé un nouvel investissement de près de 100 millions de dollars en Chine pour financer des projets d’énergie propre, mais ce montant reste marginal face à son empreinte carbone industrielle.
- La fabrication de ses produits représente les deux tiers des émissions de la marque, un défi de taille pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030.
- Derrière les annonces écologiques, Apple soigne surtout ses relations politiques avec Pékin, cruciales pour son approvisionnement et ses ventes.