2021, l’année où Apple Music Lossless va tout changer ?
Avec Apple Music Lossless, c’est l’ensemble de la marque qui s’apprête à monter à l’octave.
Alors que l’on s’apprête à fêter le vingtième anniversaire du lancement du baladeur numérique qui a révolutionné l’industrie de la musique, c’est tout sauf un hasard si Apple a lancé la même semaine une mini-série documentaire intitulée « 1971 : l’année où la musique a tout changé » et un nouveau format de son qui aspire à devenir celui de la nouvelle génération.
Et c’est précisément le 21 mai que l’Apple TV 4K, l’iPad Pro et l’iMac M1, qui ont vocation à servir de support à cette nouvelle expérience musicale, ont été officiellement commercialisés.
« C’est pas trop tôt ! » diront certains. Mais c’est désormais chose faite : les abonnés d’Apple Music et d’Apple One accèderont dans un premier temps à des millions de titres au format Dolby Atmos avec un effet d’immersion 3D. Puis pour ceux qui disposent d’un matériel compatible Apple Lossless, progressivement aux 75 millions de titres du catalogue, à partir de juin. Les offres d’Apple sont déjà parmi les plus intéressantes du marché : 9,99 € mensuels pour l’abonnement Apple Music (4,99 € pour les étudiants, et 14,99 € pour l’offre famille); 14,95 € pour le pack Apple One qui comprend également Apple TV+, Apple Arcade et 50 Gigas d’espace iCloud (19,95 € pour l’abonnement famille).
L’idée qui se cache derrière la tête d’Apple c’est que, gratuitement et sans supplément de prix comme aurait dit un bonimenteur de foire, la firme va proposer à ses utilisateurs, des plus jeunes aux plus madrés, de vivre l’expérience immersive et d’éprouver la qualité technique bâties par l’ingénieur du son studio derrière la vitre de son bocal. Au plus près des artistes.
Dolby Atmos et Apple Music Lossless : des formats largement éprouvés
Le format Dolby Atmos a été spécifiquement développé pour plonger le spectateur, d’abord au cinéma avec un déploiement progressif à partir de 2012, puis au coeur de son salon, dans une ambiance sonore immersive, spatialisée non seulement de façon latérale (droite/gauche), mais également verticale (haut/bas) sur pas moins de 64 canaux audio au total.
Disponible dans l’écosystème depuis la WWDC de juin 2020 d’abord avec tvOS sur les téléviseurs des marques partenaires, puis sur Apple TV 4K pour les séries et les films de cinéma, le Dolby Atmos permet aux créateurs et aux ingénieurs du son de s’affranchir des contraintes techniques et de ne plus se préoccuper des caractéristiques des dispositifs de sortie. Ils peuvent ainsi se concentrer sur l’ambiance sonore telle qu’ils l’ont conçue, et le format s’occupe du reste.
Le format Audio Spatial a été développé avec Dolby Laboratories, et suppose l’utilisation de gyroscopes spécifiques aux dernières générations d’iPhone ou d’iPad, ou bien des écouteurs AirPods Pro / AirPods Max / Beats dotés de puces H1 ou W1.
Dolby Atmos avec Audio Spatial, presque « for the rest of us »
On remarquera tout d’abord que le communiqué de presse initial d’Apple s’est montré particulièrement évasif quant au matériel compatible.
Cela a d’ailleurs été beaucoup commenté : dans un premier temps, cette mise à jour de la bibliothèque Apple Music semblait loin d’être promise à tout le monde d’autant que, cercle vertueux ou pas, avec Apple le diable se cache bien souvent dans les replis du communiqué de presse…
À Cupertino, il a vraisemblablement fallu quelques jours pour prendre la mesure de la frustration suscitée par la rumeur d’un HomePod et d’un HomePod mini laissés sur le bord du chemin : certains sites comme AppleInsider avaient reçu confirmation que les haut-parleurs de la marque seraient tenus à l’écart. La page de support publiée samedi sur le site d’Apple a depuis mis les choses au clair.
De façon tout à fait concrète, la page consacrée aux devices compatibles Dolby Atmos sur le site du laboratoire en décembre 2020 avait donné un premier indice : celle-ci citait l’ensemble des matériels commercialisés par Apple depuis 2018, et dotés du Bluetooth 5.0. Mais la page d’Apple a apporté depuis une bonne surprise en y ajoutant iPhone 7 et les générations ultérieures, c’est-à-dire commercialisées après septembre 2016. Soit en définitive, tous les appareils susceptibles de recevoir la mise à jour iOS 14.6, iPadOS 14.6, macOS 11.4, et tvOS 14.6.
Apple Music Lossless, une vieille connaissance
Quant au format Apple Lossless, ALAC (Apple Lossless Audio Codec) pour être précis, ce n’est pas un inconnu puisque celui-ci était déjà présent depuis le printemps 2004, et la version 4.5 d’iTunes. Il s’agissait alors pour Apple de proposer un codec audio non-destructif pour la numérisation de fichiers à partir de son logiciel iTunes, parallèlement à son format AAC (Advanced Audio Coding), lui aussi développé en collaboration avec Dolby Laboratories. C’est ce format AAC qui est toujours utilisé par Apple sur son service de streaming du Music Store, mais celui-ci est compressé, donc destructif sur un certain nombre de fréquences peu, ou pas perçues par l’oreille humaine.
Mais, même si Apple a cherché à positionner Apple Lossless en tant que format à la fois« non destructif » et peu gourmand en ressources processeur, celui-ci n’a pas réussi à trouver sa place dans les iPods auxquels il était destiné. Principalement pour deux raisons :
- impossible pour les puristes d’en personnaliser les réglages lors de l’importation des morceaux sur iTunes, à la différence de tous les autres formats ;
- même compressés à 50 ou 60 % du poids original, les morceaux ALAC nécessitaient par trop d’espace sur le disque dur et grévaient trop l’autonomie de la batterie pour l’immense majorité des utilisateurs.
L’ Apple Lossless est ainsi resté dans l’ombre depuis 2004, coincé entre la « qualité CD » du format AIFF pleinement disponible sur les ordinateurs de la marque, et le format AAC privilégié par Apple sur son Music Store et par défaut pour encoder sur iTunes. Avant d’être mis à disposition gratuite, en open source, sous licence Apache à l’automne 2011. On remarquera au passage que ces critères de base n’ont guère changé depuis 2004.
Avec Apple Music Lossless, Apple rejoint le standard « hi-fi »
Quant au format Apple « Music » Lossless, le format de 2021, rappelons qu’on devrait d’ailleurs plutôt dire les formats Apple Music Lossless puisque la firme de Cupertino annonce deux formats ALAC. Un format « qualité Compact Disc » encodé sur 16 bits à 44,1 kHz et même 24 bits à 48 kHz (ce qui va un peu au-delà de la qualité CD), et un format « qualité studio » poussant le bouchon jusqu’à 24 bits à 192 kHz. C’est à dire le niveau de qualité proposé par les meilleurs studios, et qui reste encore hors de portée de la plupart des indépendants.
Apple en a d’ailleurs gardé sous le pied et s’en est tenu aux standards de l’industrie, puisque le Lossless peut aller jusqu’à 32 bit, avec une fréquence de 384kHz
Le format « qualité CD » peut être lu directement sur les appareils Apple (la belle affaire, puisque le Mac sait se débrouiller avec ce format depuis belle lurette, avant même iTunes et l’iMac G3). Sans grande surprise, ce sera également le cas pour le HomePod et sa puce A8 et le HomePod mini avec sa puce A5 (celle de l’iPhone 4S !). Rappelons que pour notre test du HomePod mini, nous avions été en mesure d’écouter des fichiers FLAC (24-Bit à 192.0 kHz) en streaming sur le site du français Qobuz, lequel propose une offre « qualité CD » depuis… 2007.
En ce qui concerne le format Lossless Hi-Res, « qualité studio », il va nécessiter un convertisseur DAC (numérique-analogique) USB pour être utilisé sur du véritable matériel hi-fi. De quel type ? Apple n’a pipé mot à ce sujet mais, comme les concurrents qui l’ont précédé, Apple devra nouer des partenariats comme elle la d’ailleurs fait depuis le lancement de l’iTunes Music Store.
Ces deux formats, CD et Hi-Res audio, devront d’ailleurs être explicitement activés par l’utilisateur, du fait de la taille importante des fichiers et de la bande passante nécessaire : pas moins de 9,2 Mb secondes pour des fichiers 24 bit à 192 kHz !
2001-2021, de nouveau une histoire de composants, d’usages et de contenus
20 ans après le lancement d’iTunes, puis de l’iPod, Apple se retrouve de manière étonnante confrontée aux mêmes problématiques qui se télescopent :
- Une problématique des usages, ou la bataille de la poche et du sofa : sur place, ou à emporter ?
- Une problématique des formats : quels formats pour quels types d’usage et quels sont les tuyaux adaptés aux contenus ?
- Une problématique des supports : quels appareils pour quels usages et pour quels formats de fichiers ?
Comme en 2001 lorsqu’elle dévoile iPod, son baladeur numérique ; comme en 2015 lorsqu’elle lance enfin son propre service de musique « au robinet », par abonnement, Apple est loin d’être en avance en 2021 lorsqu’il s’agit de prendre le virage de la musique qualité « haute définition », estampillée HI-Res par l’industrie électronique japonaise qui a créé le format en 2014. Apple à certes brûlé la politesse à Spotify, son principal concurrent, mais d’autres acteurs ont déjà commencé à en défricher les usages.
C’est le cas d’Amazon depuis 2019 et même de Qobuz depuis 2017, même si pour le français comme pour un certain nombre de précurseurs nationaux, au vu de la niche visée on ne parle plus de sofa, mais de canapé Chesterfield !
Les concurrents d’Apple ont également su bâtir tout un écosystème d’équipementiers, aux marques souvent prestigieuses, autour de leur offre. Mais Tim Cook dispose d’un joker dans son jeu : sa maîtrise du processeur, avec en particulier la puce M1 à venir sur l’iPhone, ses successeurs potentiels et son électronique de manière générale, qui font figure de véritables jokers. Apple a ainsi entièrement la main sur le développement et la conception des Systèmes sur Puce de l’ensemble de ses appareils, comme de leur connectique.
Une « recette-signature » pour la solution musique
Entre 2001 et 2004, Apple avait improvisé la réussite de sa « solution musique » à partir de composants électroniques de top niveau, achetés sur étagère et simplement personnalisés. Avec en tête, une segmentation évidente au niveau des usages : pour l’iPod, elle s’appuie sur la capacité de stockage du micro-disque dur Hitachi et la puissance du processeur ARM (déjà !) 7TDM. C’est-à-dire Apple avait choisi la puce de la Game Boy Advance ou de la Nintendo DS, simplement pour jouer de la musique sur un baladeur de la taille d’un paquet de cigarettes.
Même débauche de moyens en ce qui concerne le Mac pour faire fonctionner iTunes, et diffuser ou même encoder de la musique grâce aux 128 bits de l’unité de calcul vectorielle AltiVec du processeur PowerPC G4. Et si le connecteur-maison Firewire de l’iPod commence à s’effacer au profit du port USB 2, c’est sans doute que l’ensemble du circuit son du Mac et d’OS X est architecturée autour de l’USB.
On ne peut pas penser à tout…
Une nouvelle fois, en 2021 c’est bien cette maîtrise qui lui a permis de faire d’abord peser son effort sur les usages situation de mobilité (la fameuse « poche » mais à présent également les oreilles), précisément là où elle est la plus forte avec l’iPhone, l’AirPods et même l’iPad, et là où ne sont pas, ou mal présents ses compétiteurs. Il n’y a pas de place pour le hasard chez Apple : l’accent mis sur les qualités audio du nouvel iPad pro M1, comme sur celles de la nouvelle ligne d’iMac 24 pouces d’ailleurs, est tout sauf fortuit.
Et si il n’y a guère de place pour le hasard chez Apple, il y reste tout de même un peu d’espace pour la surprise, d’aucuns diront pour le Désir. L’explication du cafouillage à propos du support ou non du format Lossless par la gamme HomePod et les différents casques est sans doute à chercher de ce côté-là, et la segmentation des usages telle qu’elle avait été d’abord phosphorée dans les cénacles de Cupertino était sans doute de par trop artificielle.
Les AirPods Max n’avait pas été pensés au départ pour être utilisé avec un fil à la patte ? Apple « Music » Lossless était destiné à être diffusé sur une prochaine génération de HomePod, doté d’une puce plus puissante et d’un cœur audio spécifique et d’une interface utilisateur davantage à même dans personnaliser l’expérience ? Aucune importance. Après tout, Apple n’avait qu’à ne pas donner envie avec une première génération d’une telle qualité de rendu sonore.
La musique, clef de voûte de l’expérience Apple
L’enjeu est de taille pour Apple. Le californien a revendiqué au trimestre dernier 16,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour l’ensemble de ses services payants, générés par une base de 660 millions d’abonnés au total. Soit un revenu en hausse de 27 % par rapport au trimestre équivalent de l’année dernière, apporté par plus de 40 millions de nouveaux abonnés rien que pour ce trimestre. Des chiffres qui ne doivent donc rien au hasard et qui sont portés par une tendance de fond, puisqu’Apple a accueilli pas moins de 145 millions de nouveaux arrivants sur ses services lors de la seule année écoulée.
Mais ce secteur « services », certes élargi et qui pèse entre 18 et 20% du chiffre d’affaires selon le trimestre, repose toujours en grande partie symboliquement sur son offre musicale. Apple compte bien s’appuyer sur son service ainsi réinventé et sur la montée en gamme des performances de son électronique pour attirer et retenir l’ensemble des générations, y compris les plus exigeantes, au sein de son écosystème. Si toutefois les autorités de régulation de part et d’autre l’Atlantique n’y trouvent pas à redire d’ici là…
Alors 2021, l’année Apple music Lossless a tout changé… ? La WWDC pourrait bien en donner un premier indice dans tout juste deux semaines… mais une chose est sûre : Apple ne compte pas en rester là.
Lionel
30 mai 2021 à 18 h 36 min
Très bon article.
Ps: quelques milliers de titres en Dolby atmos pour le lancement.
Runstassin (posté avec l'app i-nfo.fr V2)
30 mai 2021 à 22 h 14 min
Bonjour, quelle support pour les enceintes, a iPod pro pour écouter ce nouveau format ?
Merci
Gilles Dounes
31 mai 2021 à 11 h 16 min
Bonjour. Apple a donné une limite : tout ce qui a été lancé après 2018, plus les iPhones 7 et ultérieurs. Avec une mention spéciale pour l’iMac et l’iPad pro M1, dont les sorties audio ont été encore notablement améliorées.
Avec un système audio externe, il faudra en passer par un système sans fil, Bluetooth 5.0 pour le Dolby spatial, et un convertisseur DAC pour le Lossless haute résolution. Vraisemblablement USB. Apple n’a pas donné d’indications précises, ce qui est d’ailleurs surprenant : d’habitude, ils sortent du bois « blindés » niveau partenariat avec des équipementiers pour leur écosystème.
rikoo
31 mai 2021 à 9 h 52 min
Petite question bête,titres en Dolby atmos nécessitent un décodeur donc branchement sur amplificateur non ? Je ne suis pas sûr que le Bluetooth puisse faire passer ça même en 5.0 ,donc matériel supplémentaire,enfin je ne suis pas un pro
Gilles Dounes
31 mai 2021 à 11 h 35 min
Bonjour. Il n’y a pas de question bête, juste éventuellement des réponses stupides 🙂 le papier n’était peut-être pas assez explicite : pour le Dolby Atmos Spatial, ça passe avec du Bluetooth 5.0 (2 Gb secondes). Mais également Le 4.2 de l’iPhone 7 et ultérieur… à moins que ce ne soit par le wi-fi.
L’annonce d’Apple est peu explicite, et ils sont revenus déjà une première fois sur les précisions qu’ils avaient apportées aux sites US à propos du HomePod et du HomePod mini. Le convertisseur DAC ne devrait être nécessaire a priori que pour l’Apple Lossless Hi-Res, avec de l’USB (mais de quelle norme ?). Pour le Lossless, il faudra de toute façon du wi-fi, et très vraisemblablement du 802. 11 AC au moins si on veut pouvoir faire autre chose de son réseau en même temps, ou faire cohabiter plusieurs utilisateurs.
Mais de toute manière, avec ce niveau de qualité il faudra de très bonnes enceintes pour en tirer pleinement parti.